Pour tous ceux qui y sont confrontés à un moment ou l’autre de leur vie, un cancer est souvent vécu comme un cataclysme. Pour ceux qui s’en sortent, de plus en plus nombreux, il y aura toujours un avant et un après cancer avec de nombreuses difficultés, que l’on soit obliger de reprendre un travail, pour sa vie de couple ou engager des projets.
« La vie après le cancer, c’est la vie sans le cancer, donc la vie », explique Sylvie Froucht-Hirsch, anesthésiste et auteure de « Temps d’un cancer » aux éditions Eres. « Mon cancer a exacerbé ma sensibilité ». Un jour, un patient m’a dit « je n’ai pas envie de mourir ». Et l’anesthésiste de poursuivre : « j’ai pleuré. Il m’a fallu un peu de temps pour retrouver la bonne présence avec les malades. »
François, un patient affirme aujourd’hui qu’il ne pense plus trop au cancer du côlon qu’il a eu en 2004, mais il se souvient, lui aussi, que ça n’a pas été simple au début : « J’ai mis quelques mois à remonter à la surface. Ce n’est pas évident de se réadapter aux plaisirs de la vie, de retrouver le goût de rire, de sortir, de s’amuser, de faire l’amour…».
Car ce que l’on ne peux pas imaginer tout pendant que l’on n’est pas touché, c’est qu’il n’est pas simple de reprendre une vie tout à fait normale après la maladie, même pour ceux qui s’en sortent plutôt bien, sans trop de séquelles. Si le cancer se guérit de mieux en mieux, il fait toujours aussi peur, d’autant que les traitements sont souvent violents et handicapants pour la plupart des patients. Et d’avis des médecins comme des patients qui sont passé par cette période difficile de leur vie, rien ne peut-être après comme ce fut avant.
Le plus difficile reste d’arriver à oublier la maladie, toujours bien présente comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête, même après les traitements. Car au moindre écart celle-ci ne manquera pas de se rappeler au malade, sous forme de fatigue, de malaise, voire d’une récidive. Ce n’ai jamais vraiment fini, d’autant que les traitement d’accompagnement susceptibles d’éviter la rechute, peuvent durer pendant des années, même jusqu’à la fin de vie pour certains. « Avant j’étais très excessif. Maintenant, je fais attention à mon hygiène de vie », raconte Alain, grand fumeur. « Je ne bois plus au-delà du raisonnable, et le seul écart que je m’autorise, c’est quatre cigarettes par jour. »
Le plus difficile c’est d’arriver à lutter contre la déprime que connaissent 40 % des malades dans les deux ans qui suivent les traitements lourds. Pourtant le plus gros des efforts pour lutter contre la maladie est fourni et le spectre de la récidive s’éloigne. « Une fois les soins terminés, je me suis sentie abandonnée, il n’y avait plus personne pour s’occuper de moi, ma fille aussi était moins présente », dit Jocelyne, atteinte d’un cancer du sein en 2010. « J’avais l’impression d’être lâchée dans la nature.»
« Après les traitements, vous vous rendez compte qu’il faut composer avec la fatigue, les cicatrices, parfois une partie de son corps en moins, une peau différente… »
Si désormais les patients sont relativement bien suivis pendant l’année qui suit l’arrêt d’une chimiothérapie ou d’une radiothérapie, avec des examens sanguins trimestriels et pour ceux qui le souhaitent avec des activités physiques adaptées (APA), les examens sont de plus en plus écartés les années suivantes. Les malades doivent lutter contre l’idée qu’une récidive reste toujours possible, avec la peur de revivre, en plus sévère, ce qu’il ont déjà vécu. Une situation souvent difficile pour ceux, environ 40 %, qui doivent reprendre un travail.
« Les gens ne savent pas que l’après-cancer est souvent très difficile », explique Catherine Cerisey, auteure d’un blog d’accompagnement des femmes en difficulté, malgré une récidive, douze ans après. « J’ai fait une dépression post-traumatique qui a été très longue. Après les traitements, vous vous rendez compte qu’il faut composer avec la fatigue, les cicatrices, parfois une partie du corps en moins, une peau différente… Vous avez des hauts et des bas ». Et de poursuivre : « après la chimio ou la radiothérapie, il ne faut pas oublier qu’une partie des femmes (les hommes aussi – NDLR) doivent suivre une hormonothérapie pendant des années. Ce n’est pas un traitement light, il y a beaucoup d’effets secondaires. Ça aussi, c’est bizarre : on est guéri et il faut continuer à se soigner. »
Si le cancer s’éloigne un temps, ce n’est donc jamais vraiment fini, un fossé se creusant entre la guérison physique, celle que le malade et son entourage constatent, et la guérison psychique. D’autant plus difficile à gérer que les malades sont suivis pour le reste de leurs jours. Vivre après un cancer c’est d’abord à prendre a vivre avec la récidive possible. « Vous allez bien et, à la veille de la visite de contrôle, c’est l’angoisse, les examens vous rappellent que vous pouvez rechuter », souligne Sylvie. Le moindre signe, le moindre malaise, une migraine passagère ou persistante, une douleur abdominale fait immédiatement penser que le cancer s’est réinstallé, ailleurs…
Le cancer fragilise également la vie conjugale, les traitements hormonaux qui sont censés éviter les récidives des cancers du sein ou de la prostate, mettent la libido au placard. La mastectomie (ablation du sein) qui rendent les femmes plus fragiles, font exploser certains couples. Il met souvent à l’index les malades par des proches, partagés entre la peur et l’indifférence. Le cancer fait peur, autant aux malades qu’à leur entourage, sachant que rien n’est fait pour prendre en charge ce coté psychologique qui survient le plus souvent sans crier gare. Sans compter les effets secondaires, évolutions du traitement ou de la maladie qui peuvent se faire jour, plusieurs années après, voire de la précarisation des malades qui doivent subvenir à des soins qui les appauvrissent financièrement.
Seul point positif de cette expérience douloureuse pour la majorité des malades : le rapport au temps. Les post-cancers ont envie de profiter davantage du temps présent, ne prêtant même plus attention aux petites contrariétés, sachant que chacun sait qu’il y a beaucoup plus grave. Alors certains repartent pour une nouvelle vie, voyageant beaucoup et jouissant du temps présent.
(source citations : Brigitte Bègue – VIVA, magazine mutualiste)